
Sur son cheval, il fait le paon,
La foule rit, multicolore,
Sur un abject "Olé" sonore,
Elle se dresse en rugissant.
Dans l'arène aux couleurs de sang
Une forme noire s'agite
Traînant ses sabots au plus vite
Pour fuir le danger menaçant.
Sur son cheval il fait le paon,
A travers l'habit de lumière
La mort passe en jets d'ombre, fière,
Il n'y en a plus pour longtemps.
Dans l'arène aux couleurs de sang
Se traîne la bête alanguie,
Les yeux hagards, la chair meurtrie
Qu'animent d'affreux tremblements.
La foule plus encor hurlant
A chaque coup qui s'administre,
A chaque pique plus sinistre,
Exulte, sanguinairement.
Sur son cheval il fait le paon,
Il est certain de sa victoire,
Il est certain qu'aucune gloire
N'est comparable à cet instant
Dans l'arène aux couleurs de sang
Où, descendant de sa monture,
Le coeur léger et l'âme pure
Il aura, de son pas dansant,
Fait quelques passes en passant
Tout autour de la bête grasse
La cocardant, avec la grâce
D'une jeune fille en rubans !
Et s'ébrouant comme le paon
D'abord il va plonger ses piques,
Puis les banderilles sadiques,
En souriant à belles dents.
Dans l'arène aux couleurs de sang,
La muleta dans la main gauche
Pour exciter la bête gauche,
A grand renfort de cris perçants,
Dans la main droite il tient, puissant,
L'épée meurtrière qu'il plonge
A divers endroits, croix ou longe,
Pour triompher en s'extasiant.
Se relevant comme le paon,
Faisant la roue, monstre superbe,
Il reçoit une immonde gerbe
De Bravo, d'Olé inconscients !
Dans l'arène aux couleurs de sang
La bête gît, chaude et muette,
Sans oreilles, sans queue. La tête
M'éclate rien qu'en y pensant.
***
Lisette